Vous auriez vu ce soleil ! Il nous toisait de haut, son regard implacable fiché au fond de son orbite sur sa face d’astre du jour imbuvable et narquois, et semblait se délecter du poids qu’il ajoutait ainsi sur nos frêles épaules. Mais quoi ! Ne sommes- nous pas les guerriers de la sente improbable ? Nous étions équipés de tout notre attirail : chapeau, lunettes, crème solaire, eau en abondance et envie d’en découdre…

La lutte fut homérique. Mille fois, entre deux bosquets d’arbres pusillanimes, il nous assaillit de ses rayons ardents qu’il décochait tels des flèches acérées à la pointe enflammée sur toutes les parties de notre anatomie exposées à ses brûlantes piques sans se soucier seulement du désordre cosmique qu’un tel combat ne manquerait pas de provoquer là-haut, au royaume des astres, où le vide le dispute à l’ennui de toute éternité.

La lutte promettait d’en laisser quelques-unes sur le carreau. Des épaules imprudemment découvertes, des têtes non chapeautées, des chats bottés sans tête, des mollets saillant entre la tige de la chaussure et l’ourlet du bermuda et quelques gourdes à la contenance encombrée de modestie constituaient d’incontestables failles dans notre système de défense.

Il fallait que nous prissions des mesures radicales. L’idée nous vint de sacrifier les plus faibles d’entre nous. De les offrir en holocauste à notre ennemi grandiose et impitoyable. Mais notre guide en ce chemin avait d’autres desseins. Sur ces collines où résonnaient autrefois les chants des semailles et des récoltes maintes fois dans l’année se trouvaient nos alliés les plus redoutables. Certains avaient vu le soleil se déhancher lentement d’un horizon malhabile vers un zénith triomphant plus de 500 fois ! Ils connaissaient ses ruses. Ils avaient médité les leurs. Et le soleil avait renoncé à les soumettre à sa loi. Sous leur ombre multiséculaire, nous trouvâmes un abri. Et nous reprîmes des forces. Dans un champ d’oliviers…

La lutte fut rude et sans doute sans pareille dans l’histoire de ce petit coin du monde épargné par les ors funestes de la modernité. Mais nous fûmes vainqueurs. Et comme disait Desproges, qui était un soleil à nul autre pareil : vingt cœurs, ça n’est pas rien…